UN grand merci à Nicole Jacques-Lefèvre pour le prêt de documents et photos…

Roger JACQUES (1914-2006)

 

Roger Jacques à Sétif juillet 1935 11e régiment des tirailleurs algériens

Roger Jacques à Sétif juillet 1935 11e régiment des tirailleurs algériens

 

Naissance : Paris, Ve ardt, 21 mars 1914
Décès : Vertus, Marne, 6 février 2006

 

Service militaire : 28 avril 1935- 22 septembre 1936 en Algérie, matricule 21 753

 

Roger Jacques à Sétif juillet 1935 11e régiment des tirailleurs algériens

Roger Jacques à Sétif juillet 1935 11e régiment des tirailleurs algériens

 

11e tirailleurs algériens

Insigne régimentaire du 11e régiment de tirailleurs algériens

Insigne régimentaire du 11e régiment de tirailleurs algériens

 

En 1936, la situation est la suivante :

1er R.T.A. Blida; 2e Mostaganem ; 3e Bône; 4e Sousse ; 5e Maison-Carré ; 6e TIemcen ; 7e Constantine; 8e Bizerte; 9e Miliana; 11e Sétif; 16e au Levant; 13e, 14e, 15e au Maroc; 21e Epinal; 22e Verdun: 23e Metz; 24e La Roche-sur-Yon ; 25e Sarrebourg; 27e Avignon; 28e Sathonay.

Les régiments comprennent alors 2.500 hommes en moyenne dont 1/5 est représenté par l’encadrement français.

Roger Jacques à Sétif juillet 1935 11e régiment des tirailleurs algériens

Roger Jacques à Sétif juillet 1935 11e régiment des tirailleurs algériens

 

Les tirailleurs sont alors à leur zénith, fournissant à la France une troupe nombreuse d’hommes fidèles.

marié en 1937

Mobilisation : Caserne Clignancourt, 24 août 1939.

la caserne Clignancourt

la caserne Clignancourt

 

Mitrailleur dans l’infanterie coloniale. Grade de caporal

 

mitrailleur du 11é RTA

mitrailleur du 11é RTA

 

ordre de Mission 22 05 1940

ordre de Mission 22 05 1940

…résister sur place jusqu’à la mort….

Capture : 21 Juin 1940 à Seraucourt, Meurthe et Moselle.

Camp de prisonniers : Bad Sulza. Stalag IX C, n° 26 502

carte de la 9e région

carte de la 9e région

au stalag

plaque roger jacques prisonnier au stalag IX C merci à Nicole Jacques-Lefèvre

plaque roger jacques prisonnier au stalag IX C merci à Nicole Jacques-Lefèvre

n° 26 502

composition du Bloc des prisonniers n°1 au stalag

composition du Bloc des prisonniers n°1 au stalag

la liste des noms de ses camarades d’infortune…

 

Chefs de camp au stalag

Chefs de camp au stalag

 

la liste nominative des responsables français..

 

quelques photos de Roger Jacques pendant sa détention

 

prisonnier de guerre roger-jacques merci à Nicole Jacques-Lefèvre

prisonnier de guerre roger-jacques merci à Nicole Jacques-Lefèvre

avec des camarades d’infortune dans ce même stalag

prisonnier de guerre roger jaques et compagnons de stalag merci à Nicole Jacques-Lefèvre

prisonnier de guerre roger jaques et compagnons de stalag merci à Nicole Jacques-Lefèvre

 

prisonnier de guerre Roger jacques 1942 merci à Nicole Jacques-Lefèvre

prisonnier de guerre Roger jacques 1942 merci à Nicole Jacques-Lefèvre

 

prisonnier de guerre Roger jacques 1942merci à Nicole Jacques-Lefèvre

prisonnier de guerre Roger jacques 1942merci à Nicole Jacques-Lefèvre

 

Pendant son internement,comme beaucoup d’autres prisonniers, il va travailler  dans une ferme.

le courrier

1940

15 10 1940 stalag IX C

15 10 1940 stalag IX C

 

chers parents,

c’est la 2e fois que je vous écris,je suis toujours en bonne santé……pour mon compte, je travaille sur les routes et parfois, dans les champs..je ne suis pas malheureux, ne vous inquiétez pas……..ici, le temps n’est pas trop mauvais et il ne fait pas trop froid…..ici, nous mangeons mieux qu’à l’endroit précédent…j’espère que la vie a repris son cours normal à Paris…..en attendant de vos nouvelles, votre fils..

 

08 11 1940 stalag IX C

08 11 1940 stalag IX C

1941

24 03 1941 stalag IX C

24 03 1941 stalag IX C

 

15 12 1941 stalag IX C

15 12 1941 stalag IX C

 

…bien reçu votre colis contenant un poulet…

….enfin, j’ai mes photos, que je joins, une pour toi, une autre pour mes parents…

 

1942

 

15 03 1942 stalag IX C

15 03 1942 stalag IX C

 

…les lettres sont ce qui me fait le plus plaisir….

..si tu trouves des magazines, films, ou pièces de théâtre,envoie les, comme tu fais  pour « le Miroir « ..

…j »aurais bien besoin, aussi d’un blaireau…

 

24 12 1941 stalag IX C

24 12 1941 stalag IX C

 

kommando 1540:….kommando dans une ferme

 

1943

15 09 1943 stalag IX C

15 09 1943 stalag IX C

 

….ici, les grands travaux sont presque finis, il ne reste que les patates…

…j’en ai mal aux reins d’avance…

…enfin, j’espère que ce sont les dernières…

1944

05 03 1944 stalag IX C

05 03 1944 stalag IX C

 

ici, il tombe toujours de la neige et il fait froid…et avec cela, un froid terrible…je dégage les routes enneigées, mais le lendemain, tout est à recommencer…lorsque je pars avec le kommando, le 1er km, j’ai de la neige jusqu’aux cuisses ensuite, j’ai 2 kms à faire dans les bois, vu que c’est abrité, il y a moins de neige, mais quand même jusqu’aux mollets…..quand je rentrerais, je pourrais faire guide à Chamonix!!!…….si toute fois, je rentre, car je commence à désespérer bon anniversaire à mon père, je voudrais bien pouvoir vous embrasser tous cette année…..

je vous quitte……

1945

05 01 1945 stalag IX C

05 01 1945 stalag IX C

 

j’espère que tout va bien à Paris…je ne sais pas ce que vous pensez de la fin de la guerre,mais, moi, je ne suis pas gonflé du tout,pourtant, l’année dernière, je croyais bien passer les fêtes auprès de vous, j’ai été bien déçu!!!….je crois que ce n’est pas prêt de se terminer…ici, nous avons de la neige, il fait froid, je casse du bois toute la journée, les jours me paraissent interminables…je vous embrasse tous……

 

Arrivée des Alliés le 16 avril 1945

Arrivée à Thionville le 7 mai

et à Paris : 9 mai 1945

Carte de rapatrié

Carte de rapatrié

 

Carte de rapatrié

Carte de rapatrié

 

Démobilisé 30 juin 1945.

fiche de démobilisation

fiche de démobilisation

 

fiche de démobilisation

fiche de démobilisation

retour à la vie civile..

Diplôme du souvenir

Diplôme du souvenir

 

Epoux de Germaine NICOD, il a travaillé comme rotativiste successivement aux journaux Le Matin,  Paris-Soir, et enfin France-Soir.

naissance de sa fille Juin 1946

naissance de sa fille Juin 1946

 

Sa fille , Nicole naîtra en 1946…

 

Carte du combattant

Carte du combattant

 

Carte du combattant

Carte du combattant

 

Carnets de route du prisonnier de guerre

(23 août 1940-20 avril 1941)

Roger JACQUES

Le 23/8/40 Bad-Sulza
L’après-midi nous sommes fouillés. On me prend mon argent et mon calepin que l’on doit me rendre à la libération, on me prend mon briquet que j’ai depuis 15 jours, on nous établit une fiche et l’on nous photographie.

Le 25/8/40
Encore un dimanche à attendre, mais maintenant je ne me fais plus d’illusion, surtout depuis que je suis en Allemagne, je me doute que je ne suis pas près d’être libéré.

Le 27/08/40
Nous quittons Bad-Sulza à 6h 30 pour nous rendre à Erfurt à 9h où nous passons à l’étuve. Pendant la traversée de la ville les gens viennent nous contempler.

carte de Bad-Sulza

carte de Bad-Sulza

Nous quittons Erfurt à 19h pour aller vers notre nouveau camp pour travailler.
Pierrot est séparé de nous. Je suis toujours avec Guesdon et Charlet.

Le 28/08/40
Nous arrivons à Liebschütz-Saale à 14h après avoir touché un bon casse-croute. De là nous faisons 13 km à pied pour aller à notre camp. Nous sommes installés dans une salle des fêtes, nous avons une couchette et un réfectoire., nous touchons un bon casse-croute. Les gens sont aimables avec nous. Le village s’appelle Ledenberga.

Le 29/08/40
Le matin, après avoir touché notre repas, nous partons au travail. Nous faisons une route, mais à 14h nous changeons de camp, nous allons à 6 km retrouver 75 camarades. Mauvaise impression car nous sommes trop pour être bien. Le village s’appelle Lethra.

Le 31/08/40
Nous travaillons dans les champs, nous faisons des chemins, nous supprimons les talus. Comme c’est samedi nous travaillons que le matin. Le travail est pénible et la nourriture insuffisante. Nous touchons 500g de pain, 1/8 d’une demi-livre de beurre et un bout de saucisse et le soir deux bols de soupe.

1/09/40
11eme dimanche de passé, l’après-midi nous sommes enfermés dans notre chambre.

8/09/40
12eme dimanche. La semaine s’est passée à travailler 11h par jour, nous rentrons fatigués. Maintenant à midi nous touchons 5 pommes de terre cuites à l’eau.

9/9/40
Toute la matinée, il pleut à torrent. À 13h nous rentrons complètement trempés. Mes chaussures prennent l’eau.

15/9/40
Toute la semaine il a plu. Nous rentrons mouillés jusqu’aux os. Notre garde change. Cela fait un mois que j’ai vu ma femme et mon père (1) , les jours passent de plus en plus monotones.

(1)  Ils étaient venus le voir après sa capture par les Allemands. Maman racontait quel traumatisme cela avait été de le voir arriver, déjà amaigri, un fusil pointé dans le dos.

21/9/40
Cela fait trois longs mois que je suis prisonnier. Aujourd’hui je n’ai pas été travailler (chaussures)

22/9/40
Pour ne pas changer il pleut à torrent, le temps passe avec une lenteur désespérante surtout le dimanche.

30/9/40
Pour la 1ere fois nous sommes payés 9 marks 10. Le froid commence à se faire fortement sentir.

5/10/40
Je ne suis pas allé travailler de la semaine. Avec nos sous nous pouvons avoir de temps en temps un peu de tabac (cigare) et le dimanche de la bière.
Travail en ferme.

7/10/40
Je suis allé arracher des pommes de terre toute la journée dans une ferme, bien nourri pour la 1ere fois. Je peux envoyer deux cartes.

8/10/40
Je touche une paire de chaussures et je retourne travailler sur la route.
13/10/40

 

Encore un dimanche de passé loin de chez moi. Le temps est triste, il fait froid et il pleut. Nous envoyons deux lettres. Hier nous avons été arracher des pommes de terre.

20/10/40
Cette semaine il a fait beau mais le matin il fait très froid. Le samedi nous travaillons dans les fermes. Cette fois-ci j’ai été chez des pauvres gens.

28/10/40
Maintenant nous avons de la neige et il fait de plus en plus froid. Nous avons changé de chantier. J’envoie ma 3e carte.

31/10/40
Depuis deux jours il tombe de la neige, nous n’allons pas travailler. Notre ration de pain est diminuée, notre garde change. Le caporal pleure en nous quittant.

10/11/40
Les semaines passent monotones, il fait froid tous les jours. J’espère être libéré pour le commencement de l’année.
Nous travaillons pour le village de Reutzengeswenda. Pendant un moment nous étions commandés par un brave petit vieux, mais maintenant celui qui le remplace est un vrai ours.

17/11/40
Aujourd’hui dimanche grand remue-ménage. 28 camarades nous quittent pour travailler à un barrage à 10 km. 8 autres camarades, dont Guesdon s’en vont pour travailler dans leur métier, mais nous ne savons pas si c’est en France ou bien en Allemagne. C’est la 1ere fois que nous somme séparés moi et Guesdon.

18/11/ 40
Je reçois mon 1er colis, cela me remonte le moral. Je fais durer le plaisir, tous les jours j’en mange un peu et il ne manque plus que des nouvelles.

Le 24/11/40. Dimanche
J’envoie une carte. Il fait un temps splendide.

Le 25/11/40
Nous partons à l’étuve dans un hôpital à 40 km sur un camion découvert. On nous coupe les cheveux à ras.
Les infirmiers de l’hôpital où nous avons été nous ont dit qu’il ne fallait pas compter être libérés avant le mois de décembre 41 ?? D’après la T.S.F.

29/11/40
Je reçois trois lettres, deux de ma femme, une du 23/10 et l’autre du 1er/11, et une de mon père du 25/11. Maintenant je compte en recevoir une toutes les semaines.

1er/12/40
Je me fais raser les cheveux à ras.

4/12/40
Je reçois une lettre de mon frère du 22/10/40. Je réponds le jour même.

Le 8/12/40. Dimanche
Depuis 4 jours nous n’allons pas au chantier car il y a trop de neige. Nous faisons des corvées dans le village. Je reçois 2 lettres de ma femme.

Le 15/12/ 40
Cette semaine nous n’avons travaillé que le matin car il tombe tellement de neige que nous ne pouvions plus travailler. Maintenant il gèle tous les jours.
J’ai reçu mon 2e colis (1kg) et 5 lettres, 2 de Lucien (1) , 1 de Nono et 1 de Nolan (2) ainsi qu’une de ma femme.
J’envoie deux lettres.

(1) son frère

(2) des amis

Dimanche 22/12/40
Nous n’allons plus travailler car il gèle trop. J’attends un coli de 5 kg qui ne vient pas vite. Il y a un moment que je n’ai plus de tabac. Je crois que je ne l’aurai pas pour Noël.

24/12/40
Je n’ai toujours pas reçu mon colis. Ce soir nous faisons une petite fête avec arbre de Noël. Nous faisons concert jusqu’à minuit, après nous mangeons ce que nous avons reçu dans nos colis. Heureusement que j’avais gardé une boite de choucroute et de jambon de mon 1er colis. Je me couche à 5h du matin. Malgré que la fête fût très bien réussie, j’ai le cafard comme je n’ai jamais eu. Triste Noël !
Repas de Noël : une boite de choucroute et une boite de pâté qui me restent de mon colis.

28/12/40
J’expédie une lettre. Maintenant nous allons être rationnés pour les colis. Je n’ai plus de tabac.

1er Janvier 1941. Minuit

L’année vient de se terminer. Nous avons fait une petite fête comme à Noël. Ma pensée n’a pas quitté Paris où je revois ma petite femme et mes chers parents. Pourvu que l’année prochaine !!
Repas du réveillon : mon restant de soupe et deux pommes de terre cuites à la cendre.

Le 12/1/41
Le journées continuent monotones. Nous allons déblayer la neige sur les routes et nous allons chercher notre ravitaillement. Le 7 j’ai envoyé une lettre. J’ai reçu un colis de 1 kg ainsi qu’une lettre de ma femme et 2 de Lucien.

Le 15/1/41
Je reçois le colis de 5 kg et 3 lettres de ma femme et 3 de mon frère.

Le 18/1/41
Nous quittons Lothra à 5h moins quart pour 10 jours. Nous prenons le train à Hockebara à 7h 48. Nous changeons à Probstzella 8h 50 Zobsten et nous descendons à Grafenthal où nous attendons dans le buffet de la gare. Après 3 h d’attente, nous retournons à Lothra. Contre ordre !!
Nous envoyons 2 cartes

25/1/41
Depuis le commencement de la semaine il dégèle. Nous allons toujours déblayer les routes. Nous pataugeons dans l’eau toute la journée.

26/1/41
J’envoie une lettre

1/2/41
Hier j’ai reçu mon 5e colis, le 3e de1 kg. Des bruits courent que nous serons libérés dans le courant du mois d’avril !!!

Le 6/2/41
J’envoie une lettre avec réponse ainsi que les deux fameuses étiquettes pour les colis.
Le 5/2/41
4 sanitaires sont libérés. Par contre 2 nouveaux qui viennent de France. Pas mal de bouteillons (4) aussi bien optimistes que pessimistes !!

(4) Nouvelles incertaines en argot militaire

Le 9/2/41
J’ai reçu une lettre de Lucien qui n’a mis que 15 jours à me parvenir ! Il gèle toujours. Nos sentinelles deviennent de plus en plus mauvaises, surtout le cabot.

Le 13/2/41
Quatre camarades sont de nouveau libérés. Ce sont des sanitaires.

16/2/41
J’envoie 3 cartes. En ce moment il dégèle et le lendemain il regèle.

Le 17/2/41
Je reçois mon 6e colis, le 4e de 1 kg.

Le 23/2/41
Le travail a repris malgré le froid qui continue. Aujourd’hui j’ai reçu deux lettres du 1er de chez moi et une du 2/1/41 de ma femme.

25/2/41
20 camarades nous quittent pour aller travailler dans une usine. Aujourd’hui j’ai travaillé chez un paysan, bien reçu. Le soir nous changeons de chambre. Maintenant nous sommes dans la 1ere chambre. Je couche au 3e, nous sommes serrés comme des sardines. J’ai un cafard formidable.

Dimanche 2/3/41
Le mauvais temps continue, il pleut, il neige ou il gèle. J’ai reçu une lettre de mon père du 15/2/41 qui m’a remonté le moral. Le dimanche s’est passé comme les autres, enfermés dans notre chambre, nous avons joué au bridge.

Dimanche 9/3/41
Cette semaine nous avons eu trois jours de beau. Le bruit court que dans un mois nous allons tous travailler dans les fermes. J’ai envoyé ma 2e lettre réponse.
Le 11/3/41

Nouvelles incertaines en argot militaire

Nous arrêtons notre travail à 10h car il neige. Hier j’ai expédié mes fiches pour les colis (2)

Le 13/3/41
Je reçois mon 1er colis à étiquette bleue

Dimanche 16/3/41
J’envoie 2 cartes réponses, cela fait deux lettres et 2 cartes que j’envoie mais pas encore de réponse.

20/3/41
Mon anniversaire. Je reçois une lettre de ma femme du 28/2/41. Il fait très froid. Un copain est libéré (mineur)

Le 28/3/41
Cette semaine plusieurs camarades nous quittent pour travailler en usine, d’autres reviennent pour travailler avec nous. Il fait toujours froid.

Le 2/4/41
Nous allons à Chleiz pour la désinfection. L’hôpital est occupé par les Anglais, tous grands mutilés.

Le 3/4/41
Je suis affecté au chantier de Lothra Mul, c’est le plus mauvais chantier. Nous sommes tous dispersés soit dans les fermes ou dans les fabriques.

Le 4/4/41
Je suis affecté dans une ferme à Thimmondorf chez le chef des paysans, j’aime mieux ça. Ma première impression est très bonne. Je couche toujours à Lothra. Note ancien camp est fermé, tous les copains sont repartis.

Le 20/4/41
Je reçois mon 3e colis à étiquette. Demain cela fera 10 mois que je suis prisonnier.

Carnets de route du prisonnier de guerre

(2 avril-4 mai 1945)

Roger JACQUES

Le Lundi 2 avril (lundi de Pâques)

Nous recevons l’ordre de partir. Il est 7h, nous devons quitter le kommando à 9h, nous allons chercher trois jours de vivres chez nos patrons. Nous partons enfin avec nos bagages pour arriver à Esobach à 2h du matin. Nous traînons Cerisier qui est malade.

Le Mardi 3 avril
Nous quittons Esobch à 17h 30. Nous sommes à peu près 150 prisonniers français et une trentaine de Serbes. Nous arrivons à Volkmanndortf à 18h 30 après avoir fait 4 km. Nous couchons au village. Mercredi 4 repos.

Jeudi 5 avril
Nous quittons Volkmanndortf à 5h 1/2, nous arrivons après avoir fait 15 km à Schilbach à 12h. Pendant cette étape nous traversons la ville de Schleiz. Dans le cimetière nous voyons des tombes de 35 de nos camarades morts durant la captivité.

Vendredi 6 avril
Nous quittons Schilbach à 6h 1/2, nous arrivons à Töpent après avoir fait 15 km. À 10 h ½ nous quittons la Thuringe pour entrer en Bavière. Nous sommes 253 hommes en tout. Les gens du pays sont très gentils avec nous, je suis invité à manger. À partir de cette étape nous faisons la chasse aux pommes de terre.

Samedi 7 avril
Nous quittons Töpent à 6h 30, nous traversons Hof (alerte), nous arrivons à 12 h après avoir fait 21 km à Honraswacht.

Dimanche 8 avril
Repos. Nous assistons à 12h ½ au bombardement de Hof. Cela me fait penser que la veille nous étions dans cette ville. Nous restons dans ce village jusqu’au jeudi 12 (ferme mal tenue).

Jeudi 12 avril
Après 4 jours de repos nous partons à 6 h pour faire 5 km. Étape très dure pour notre voiture car nous prenons les chemins dans les champs. Nous arrivons à 9h à Wolbattendorf. Nous assistons au bombardement du viaduc de Hof. (J’ai oublié de signaler que pendant les 4 jours de repos nous avons assisté au bombardement et au mitraillage des routes). Les gens nous reçoivent très bien. Je suis invité à manger.

Le Vendredi 13 avril
Nous partons à 6 h, nous repassons à Hof où nous nous rendons compte des dégâts du viaduc et de la ville. À côté du viaduc 4 prisonniers serbes sont attendus sur la route. D’après les nouvelles 400 Serbes sont morts et 40 Français qui évacuaient. Nous passons en Saxe et nous couchons à Gutenfürst.

Samedi 14 avril
Nous restons là car nous ne pouvons aller plus loin. Toute la journée nous voyons les Allemands évacuer. Nos sentinelles nous quittent sauf 4. Notre homme de confiance de la Cie nous réunit pour nous dire que nous attendons les Alliés d’une minute à l’autre. Joie chez les Français, tristes mines chez les Allemands.

Dimanche 15 avril
Rien d’anormal. Les troupes allemandes évacuent toujours. Nous entendons la canonnade et la mitrailleuse.

Lundi 16 avril
À 9h ½ un avion américain survole à basse altitude le village. Nous sommes éparpillés dans les prairies en train de faire notre popote. À 10 h le village est bombardé, 3 camarades sont blessés dont un a le bras arraché à côté de moi. Je lui fais un lien le mieux possible avec une serviette, enfin je réussis à arrêter le sang qui coulait à flot. Je le transporte au château avec deux camarades. Après avoir tiré une quarantaine de coups de canons sur le village, l’avion réapparaît. Aussitôt nous agitons des drapeaux blancs et français. L’avion les aperçoit et nous avertit en remuant ses ailes. À 10h ½ les tanks américains font leur apparition sous les acclamations de tous les prisonniers, français, polonais, russes. Enfin nous sommes délivrés. Les Américains nous donnent des cigarettes et crient Vive la France. Nous répondons Vive l’Amérique ! Nous prévenons les infirmiers américains que trois de nos camarades sont blessés. Aussitôt une ambulance vient les chercher. Un officier nous dit la raison des bombardements : la veille ils avaient aperçu une automobile avec des officiers allemands qui circulait dans le village et comme aucun drapeau blanc n’était en vue, ils se figuraient que le village était défendu. Les Russes livrent aux Américains leurs deux gardiens qu’ils avaient enfermés dans une chambre. Ils sont emportés sous les huées des prisonniers.

Mardi 17 avril
À 13 h nous quittons le village en camion (60). Nous arrivons à Coburg à 5 h, nous logeons dans la caserne. Nous avons été conduit par un capitaine de l’armée de Gaulle. Fête en traversant la ville, marques d’amitiés entre Français et Américains, triste mine des civils allemands, piteux état des prisonniers allemands qui tombent de haut ! Aux fenêtres plus de drapeaux à croix gammée ! Mais des drapeaux blancs. Toutes les villes traversées sont en piteux état !

Vendredi 20 avril
Jour de l’anniversaire de leur Jubé. Nous assistons à une matinée récréative. Programme très bien organisé en 24 h.
Un capitaine gaulliste nous fait un discours, il est ancien prisonnier évadé. Très sympathiques, les Gaullistes réquisitionnent pour nous mitraillette au poing un entrepôt de tabac. Nous touchons tous les jours deux beaux et bons cigares. Nous sommes 4000 PF et 6000 avec les civils. Je vois des femmes françaises qui me laissent un dégoût car ce n’est pas la crème ! Vraiment la France était bien mal représentée par l’élément féminin, presque toutes sont enceintes, de père inconnu naturellement ! Le capitaine nous assure que les prisonniers seront les premiers libérés le plus vite possible.

Dimanche 22 avril
2e matinée récréative. L’orchestre est renforcé : 18 musiciens ! Spectacle très bien dans l’ensemble. Le soir bal français avec tout l’orchestre. Toutes les Françaises y assistent. Triste tableau ! Dire que ces femmes qui en France devaient travailler dans des maisons de rendez-vous arborent aujourd’hui un ruban tricolore sur la poitrine. Il y a seulement six mois elles avaient toutes la photo d’Hitler dans leur sac ! Drôle de propagande pour notre pays !

Lundi 25 avril
À 15 h nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir et à 19 h nous prenons les camions (35 hommes) pour arriver à Bamberg à 20 h ½ (50 km). La ville est en grande partie détruite, nous ne voyons aucun civil circuler dans les rues (interdit). Nous couchons sous les toits dans un grenier en ciment de la caserne, toute la nuit nous avons été gelés.

Le lendemain Jeudi 26 avril
Nous trouvons une chambre de 17 où nous serons mieux car nous couchons sur le plancher. Un bruit court que nous partirons en avion.

Vendredi 27 avril
Drame au camp. 4 Français se font tuer par un soldat nègre américain ivre. 3 camarades de mon kommando : Bléchet, 41 ans, 2 enfants dont un qu’il n’avait jamais vu, Marbœuf, 36 ans, célibataire, et Bonin, 26 ans. Bléchet couchait dans ma chambre, il était parti voir nos camarades. Le 4e pour l’instant je ne connais pas son nom. Voici les faits. Le nègre en état d’ivresse monte dans les chambres. Il aperçoit un Français dans l’escalier, il tire sur lui deux balles qui lui entrent dans la bouche et lui sortent derrière la tête. Le nègre continue à tirer sans toucher personne, il entre dans une chambre occupée par des camarades de mon kommando, fait sortir tout le monde et après tire derrière eux. Après il entre dans une petite chambre occupée par ces pauvres camarades. Il voit Marbœuf qui faisait face à la porte, lui tire à bout portant deux balles dans la tête. Il se tourne vers Bonin qui était assis sur sa paillasse, lui tire deux balles en pleine poitrine. Il se tourne sur Bléchet, lui tire deux balles en pleine poitrine. Après il met Pierre en joue, mais son chargeur est vide, il se retourne sur Simard et veut retirer, mais heureusement son arme est vide alors il redescend l’escalier et sort du casernement. À ce moment un Américain arrive et le désarme. Les officiers arrivent et l’enquête est faite. Tous les témoins déposent. Le camarade qui venait d’être blessé dans l’escalier est mort pendant son transport à l’infirmerie. Ce camarade je n’ai pas encore son nom, je ne sais pas s’il fait partie de mon kommando. Les corps des trois autres camarades restent pour cette nuit dans leur chambre qui est gardée.
Bléchet faisait partie de mon groupe et se faisait une joie ce soir car le bruit courait que nous devions partir demain en avion pour le Bourget ! Triste destinée si près de la liberté !

Lundi 30 avril
J’assiste à 10h à une messe à la mémoire de mes camarades tués vendredi. Nous apprenons que les départs sont retardés, car il y a de bons Français qui ont volé des couvertures et des pistolets aux Américains. Enfin le soir à 22 h toutes les affaires volées sont rendues aux autorités américaines.

Mercredi 2 mai
Je sors en ville avec Cerisier, Denys et Cordier. Des rues entières sont détruites, dans des quartiers ce n’est qu’un amas de ruines. La gare est dans un état piteux, les ponts détruits. Nous trouvons un dépôt de vin, nous descendons dans la cave, où se trouvent des soldats américains et des Français. J’ai du vin presque jusqu’aux chevilles ! Nous remplissons une bouteille de dix litres et je bois au moins deux litres dans la cave. Les fûts sont éventrés, le vin coule comme à une fontaine. Le soir dans la chambre c’est la fête, je prends une bonne cuite ! Et bien entendu je ne garde pas ce que j’ai bu ! Ce qui m’a fait le plus plaisir en ville, c’est de voir la tête des Allemands en nous voyant emporter leur vin. Dire qu’eux n’y avaient pas droit (sauf les gros), et que maintenant ce sont les ex-prisonniers qui le boivent ! À la porte du dépôt se tenait un Américain qui posait cette question à chaque personne qui entrait : « Français ? Allemand ? ». Les Français avaient le droit d’entrer, et les boches avaient le droit de faire demi-tour.

Jeudi 3 mai
Je me réveille avec la gueule de bois, mais ça va. J’ai fait une bonne nuit, il y avait longtemps que cela ne m’était pas arrivé. Nous apprenons que nous allons passer à la désinfection ce matin, et surement les départs vont commencer demain, mais il n’est plus question d’avion, ce serait par le train. Le principal c’est de partir. Quatre de mes camarades sont partis ce matin pour voir s’il y a encore un peu de vin dans la cave. À 11h mes camarades reviennent avec la bouteille de 10 litres pleine, en plus un peu de liqueur. Je fais attention ! Je ne bois presque rien.
L’après-midi nous sortons en ville pour visiter. Très belle ville mais qui est en partie détruite. De très vieilles maisons décorées (le château des moines, l’église que je visite), des maisons qui datent de 1600. À chaque maison un christ, les habitants sont en partie catholiques.
Le soir en rentrant on nous annonce que demain nous partons. J’espère que cette fois ce sera le vrai départ.

Vendredi 4 mai
Nous sommes réveillés à 5 h ½ du matin, rassemblement à 7 h et départ à 8 h. Départ par le train, trois jours de voyage. À 8 h nous quittons la caserne pour monter dans les wagons à 20 h 30 ! La gare se trouve à 2 km, et à 21 h 30 le train démarre, nous sommes un peu tassés et nous ne pouvons nous allonger, le train ne va pas vite et s’arrête souvent.

Samedi 5 mai
À 7 h ½ nous passons à Würzburg, ville complètement détruite. À 12 h ½ nous passons à Gemünden détruit. Durant le trajet nous passons des villages où pas une maison n’est intacte. La ligne de chemin de fer est dans un piteux état, wagons, locomotives, rails, tout est détruit. Nous passons à Aschaffenburg à 17h 30, ville en partie détruite. À 19 h nous arrivons à Hanau, nous repartons à 22 h.

Dimanche 6 mai
À 5 h ½ nous passons le Rhin, pont complètement détruit, et nous arrivons à Mayence.
Hier j’ai assisté à un acte de piraterie de la part des Français. Nous étions stationnés à Hanau et à côté de notre train il y avait un train de ravitaillement américain. Une dizaine de Français avaient volé des caisses de conserves, alors les autres qui n’avaient rien pris criaient au scandale, que tous ces voleurs devaient être pendus, mais au moment du départ tous les gueulards se précipitent sur les wagons américains pour prendre une caisse, mes copains les premiers. Enfin pour mon compte je ne veux pas me salir les mains et je ne touche pas aux vivres que mes copains m’offrent.
À 7 h ¼ nous apercevons 80 000 P.A. qui campent dans les champs. À 7 h 30 le train s’arrête pour repartir à 19 h 45.

Lundi 7 mai
À 13 h ½ nous traversons Geberwuber complètement détruit, à 14 h nous passons la Frontière Française. Joie chez tous les ex PG, sur notre passage les gens nous font fête. À 6 h 20 nous apprenons par le garde champêtre de Kédange que la guerre est finie avec les Allemands.
À 8 h ½ nous arrivons à Thionville. De là nous nous rendons à la caserne, accompagnés par la population qui nous fait fête. A toutes les fenêtres flottent des drapeaux français et alliés. Une retraite aux flambeaux est organisée en notre honneur. Nous somme reçus au réfectoire où l’on nous donne une boite de bœuf, des nouilles et un quart de vin ainsi que du café. Là-dessus nous allons nous coucher, tous heureux de retourner bientôt chez nous.

Mardi 8 mai
Je me lève à 5 h, je vais prendre une douche, j’en avais besoin. Je vais prendre un café avec une tartine de pain et de confiture, après nous partons pour remplir les formalités de démobilisation et nous partons pour la gare direction Paris !!!! À 23 h le train démarre.

Mercredi 9 mai
À 7 h nous descendons à Révigny où nous accomplissons les dernières formalités, enfin à 17 h 02 nous partons pour Paris où nous arrivons à 23 h.

UN grand merci à Nicole Jacques-Lefèvre encore une fois…..

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