les compagnons de France
Les mouvements de jeunesse connurent une progression impressionnante pendant les années d’occupation. D’après Michèle Cointet la moitié des 5.200.000 jeunes de la tranche 14-21 ans sont affiliés à un mouvement.
Les Compagnons de France furent le premier mouvement de jeunesse officiel à surgir après la défaite.
L’idée de sa création était née au sein d’un comité de mouvements de jeunesse, qu’un jeune inspecteur des Finances, Henri Dhavernas, avait fondé à Paris sous le nom de Comité Jeunesse de France immédiatement après l’armistice. Diplômé de Sciences Po, Dhavernas avait exercé pendant quelque temps les fonctions de commissaire national des Scouts de France créé en 1920, d’obédience catholique. Inapte au service militaire, après la débâcle, il avait été frappé par le spectacle du «ne rien faire» des adolescents qui, faute d’emploi, végétaient chez eux ou dans des centres de réfugiés, référence, Les Compagnons de France .
C’est ce constat qui lui fait prendre conscience, en septembre 1939, de la nécessité de créer un mouvement nouveau, capable d’encadrer ces jeunes de tous les milieux sociaux, de les occuper dans des travaux d’intérêt collectif afin qu’ils participent à la vie matérielle et morale du pays. Le mouvement Compagnons de France CdF, aidé de responsables de mouvements existants, laïcs ou confessionnels, comme les Auberges de la Jeunesse, les Patronages et l’Association Catholique de la Jeunesse Française, Dhavernas affine son projet en proposant une pédagogie basée sur la formation physique, morale, culturelle et intellectuelle, d’hommes en tout apolitisme mais dans le respect la laïcité.
Le 14 août 1940, l’association dite des «Compagnons de France» est donc inscrite au Journal Officiel.
Installée à Lyon, et ne fonctionnant qu’en zone sud, elle peut compter sur l’accord de principe du maréchal Pétain, partisan du paternalisme religieux, pour son appui matériel ainsi que sur celui de nombreux ministères au premier rang, desquels on trouve les Affaires étrangères, la Jeunesse et le Travail, ainsi que la Défense nationale.
Il s’agit, sur la base du volontariat, de mettre aux jeunes chômeurs « des souliers eux pieds, du pain à la bouche et de l’espoir au cœur », et de faire concourir ces « jeunes Français en friche » de 16 à 30 ans à l’aide aux réfugiés et aux prisonniers.
Salut, cérémonie au drapeau, serment d’engagement confirment que l’on a affaire à un mouvement « ardemment pétainiste », qui « applique et fait appliquer les mesures de salut public prises par le gouvernement ».
La position de ces mouvements de jeunesse par rapport aux autorités est opposée selon qu’ils se trouvent en zone libre ou en zone occupée. Ainsi, en zone libre, dans les premières années tout au moins, les mouvements de jeunesse catholiques vivent en osmose avec le régime de 1940, alors qu’en zone occupée, il existe une méfiance réciproque entre les occupants et les catholiques qui savent qu’en Allemagne, tous les mouvements de jeunesse ont été dissous au profit des Hitlerjugend, jeunesse hitlérienne.
De fait, les Allemands commencent par interdire le scoutisme, trop voyant à leurs yeux et prétendent subordonner l’existence de toutes les associations à une demande d’autorisation à laquelle se refusent la plupart des dirigeants.
Pour les CdF l’année 1941 aurait pu être celle de la mise en pratique de l’ensemble des principes définis à l’été et à l’automne 1940 et de l’entrée en fonction d’une maîtrise désormais fixée dans ses nouveaux objectifs, l’encadrement et la formation de jeunes adolescents. Or, une série de faits en décide autrement. Dhavernas, rendu indisponible, voit son autorité contestée. La maîtrise nationale des CdF lui reproche des maladresses politiques, des contacts hasardeux avec certains milieux collaborationnistes et un esprit idéologique dangereux pour un mouvement attaché à une vocation éducative, soucieux de préserver les jeunes dont il a la charge de tout débat concernant la place de la France par rapport à l’occupant.
Le début de l’année 1941 est donc marqué par une crise au sommet des CdF, au cours de laquelle le départ de Dhavernas est envisagé. Ce n’est qu’en mai que cet épisode connaît son dénouement avec la nomination de Guillaume de Tournemire à la tête du mouvement qui prend alors un nouvel élan après précision des objectifs éducatifs et idéologiques. L’arrivée de cet officier de l’armée de Terre, homme d’action à la personnalité forte et séductrice, va constituer un élément déterminant de l’histoire du mouvement compagnon.
L’indépendance financière et politique par rapport au gouvernement, qu’il exige pour son mouvement, et sa personnelle allégeance au maréchal Pétain, posent les bases de l’ambivalence d’un mouvement qui, dans sa globalité, restera attaché aux grands principes de la «Révolution nationale» tout au long de la période, mais dont nombre de ses membres n’hésiteront pas à promouvoir un esprit de résistance civile avant, pour certains dont Tournemire, d’endosser de nouveau le rôle du combattant en prenant part à des activités de renseignement militaire Franco-britannique dans un réseau, «les Druides» dirigé par Georges Lamarque, qui eut pour «complice» Pierre de Chevigny.
«Les Druides» est un sous réseau constitué en 1943 par les Compagnons de France agissant dans le cadre du réseau Alliance de la Résistance intérieure Française. Alliance était l’un des plus actifs réseaux de renseignement de la Résistance, avec la Confrérie Notre-Dame et, comptant jusqu’à 3 000 membres, le plus important des réseaux dépendants de l’Intelligence Service Britannique IS sur le territoire Français. Ce réseau dénombre au total 438 morts sur 1 000 arrestations. Chaque membre, pour préserver son identité, se vit désigner un matricule par l’IS. Puis, pour rendre plus pratique la communication entre les différentes parties, ils adoptèrent des surnoms ou pseudonymes. Les fondateurs du réseau Alliance et la plupart des autres membres choisirent de porter comme pseudonymes des noms d’animaux. C’est pourquoi la police Allemande lui attribua le nom original d’Arche de Noé. Toutefois, certains groupes à l’intérieur du réseau reçurent des pseudonymes de métier, ou de tribus indiennes…C’est dans ce cadre que le réseau Alliance accueille «Les Druides».
A partir de l’arrivée de Tournemire, l’histoire des CdF va être jalonnée par des conflits multiples avec le gouvernement de Pétain hostile à subventionner un mouvement qui se refuse à faire la promotion de sa politique, voire qui en conteste bien des points. La fréquence des différends, souvent arbitrés par le maréchal Pétain lui-même, va se solder par la dissolution du mouvement, privé de fonds en janvier 1944.
Si les Chantiers pèsent d’un grand poids dans la politique du maréchal Pétain, d’autres initiatives ont été prises par le Secrétariat Général de la Jeunesse dirigé par Georges LAMIRAND.
De grands services civiques ont été crée dès Juillet 1940 :
Les « Compagnons de France », organisation regroupant, à titre privé, des garçons de seize à vingt ans de toutes origines sociales décidés « de participer au relèvement matériel et moral du pays en offrant leur concours aux Services d’Aides aux Réfugiés, aux prisonniers de guerre et généralement à toutes initiatives propres à associer les jeunes au service du pays ».
Environ trente mille jeunes y souscrivent.
Le « Service Civique Rural » qui a rassemblé de son côté plus de cent mille jeunes âgés de dix sept à vingt et un an qui ont participé aux moissons et vendanges en remplacement des centaines de milliers d’agriculteurs prisonniers en Allemagne.
- Les « Centres de jeunes travailleurs » qui ont accueilli des jeunes gens sans travail, désireux d’acquérir une formation professionnelle, physique et civique.
- Le « Secours National » lui a reçu des milliers de jeunes pour l’aider dans ses œuvres d’assistance et de charité.
La politique du Maréchal Pétain, visait aussi à maintenir et développer en zone libre les divers mouvements de jeunesse dont le scoutisme qui passa de quarante mille à cent vingt mille membres.
- L’Association Catholique de la Jeunesse Française, les Auberges de la Jeunesse et les Camarades de la Route ont également reçu, à l’époque, un appui efficace du gouvernement de collaboration de Pétain, entre autre..
Les mouvements des jeunesses catholiques de 1940 à 1944, source Wikipédia .
La position prise par les CdF fera que les Allemands poseront les scellés au quartier général de scouts de France.
Les groupements de scouts devront donc poursuivre leurs activités de façon clandestine.
À Rennes, en avril 1941, la police Allemande appose également des scellés aux locaux du quartier général de la JAC, Jeunesse Arménienne Catholique. Le projet d’Hitler, cependant, n’est pas de faire une France à l’image de l’Allemagne, mais de mettre la France au service de l’Allemagne, et peut-être vaut-il mieux pour les Allemands que les jeunes Français fréquentent les mouvements catholiques que les organisations communistes. Une entrevue entre le cardinal Suhard et Otto Abetz le 27 mai 1941 permet de désamorcer le conflit et de trouver un modus vivendi qui va durer deux années.
Au printemps 1943, les relations se dégradent entre les autorités d’occupation et l’Église. Deux aumôniers des Cœurs Vaillants sont emprisonnés pour trois mois pour «reconstitution de mouvement interdit». En août, ils arrêtent l’abbé Guérin, aumônier et fondateur de la JOC, Jeunesse Ouvrière Chrétienne. En octobre 1943, l’Assemblée des cardinaux et archevêques revendique dans une note transmise aux Allemands par le cardinal Suhard le maintien de la tolérance dont jouirent pendant deux ans les divers mouvements.
La réponse des Allemands parvient en avril 1944, l’évêque devra informer les autorités Allemandes de toute manifestation de 200 à 600 personnes et demander une autorisation pour les réunions de plus de 600 personnes.
L’épiscopat refuse de signer, mais bientôt le débarquement va faire passer ces escarmouches au second plan.
Le retour en force du catholicisme, création d’écoles privées, le clergé dans sa majorité derrière Pétain.
La politique familiale du maréchal Pétain tourne autour du mariage légitime, de la mère au foyer, de la natalité et de la famille nombreuse, et de la valeur du travail.
Pétain a épousé en 1920 une divorcée. Il n’a pas d’enfant et le gouvernement qu’il forme compte deux bâtards Paul Baudouin et le général Weygand. C’est sous ce patronage que Pétain prône la solidarité et la fécondité de la famille. Pour Pétain, la famille est l’un des piliers de l’ordre moral qui représente la vie Française et pour lequel les droits de la famille sont supérieurs aux droits des individus, le maréchal Pétain déclare fin 1940, «Le droit des familles l’emporte sur les droits de l’État et de l’individu».
Au terme d’une longue campagne pour encourager la natalité, le gouvernement institua les allocations familiales qui prirent naissance au sein d’un commissariat général à la famille fondé pour poursuivre et renforcer vigoureusement les orientations du code de la famille adopté en juillet le 29 juillet 1939 par la IIIème République.
Le régime de 1940 légifère donc tant pour rendre le divorce impossible durant les trois premières années de mariage que pour strictement encadrer les interprétations de la loi dans tous les cas de divorce. La guerre de 1914-1918 eut pour conséquence pour la France 1,3 million de morts et disparus, et donc une très forte régression de la natalité durant les 30 ans qui suivirent. Pour encourager les naissances, le régime de Pétain favorise donc les familles nombreuses aux dépens des hommes célibataires ou des couples sans enfant.
Par exemple, un couple qui n’a pas d’enfant dans ses deux premières années de mariage se voit retirer l’avantage fiscal du mariage. L’avortement est sévèrement réprimé. Le travail féminin est découragé, pour que les femmes se consacrent à la maternité, bien qu’elles eussent acquis une place nouvelle dans la société en s’étant rendues indispensables pendant toute la guerre de 1914-1918 dans les champs, les usines, les bureaux ou les écoles et aient acquis une autonomie relative après.
La figure de la mère au foyer est exaltée lors de la fête des mères célébrée officiellement chaque année, avec cérémonies et décoration des mères de familles nombreuses.
En zone non-occupée, le taux de natalité augmenta donc tant dans les familles riches que pauvres.
L’extension importante de la protection sociale se manifeste par l’expansion du nombre de personnes couvertes par les assurances sociales et les allocations familiales. Cet élargissement, qui doit peu aux Allemands, s’explique par les nécessités nées de l’occupation et, la plupart des textes promulgués sous le régime de 1940 sont prorogés à la Libération.
L’impulsion décisive de la politique familiale n’est pas le fait du régime de 1940 mais des gouvernements de la IIIème République, loi du 11 mars 1932, décret-loi de novembre 1938 et code de la famille du 29 juillet 1939, qui est issue du Front populaire. Le texte de loi entend défavoriser l’infécondité volontaire présente entre 1890 et 1939, et à favoriser plutôt les familles d’au moins trois enfants. Le barème pour les familles de trois enfants est de 30 % du salaire de référence. Pour deux enfants, le taux est révisé à la baisse 10 % au lieu de 15 %, et l’allocation au premier enfant est supprimée, mais elle est remplacée par une prime à la naissance destinée à encourager les jeunes mariés. En 1940 les allocations familiales et primes à la naissance existaient déjà.
En 1941 sous le régime de Pétain l’allocation de mère au foyer est renforcée par l’allocation de salaire unique qui atténue les charges familiales et qui intervient dès le mariage.
L’action du régime de 1940 consista en une extension des bénéficiaires des allocations familiales, jusque là réservées aux travailleurs en activité, à de nouvelles catégories, aux chômeurs, 11 octobre et 18 novembre 1940, aux assurés sociaux malades, 1941, aux veuves et femmes d’agriculteurs prisonniers, 1942.
En revanche, selon l’économiste Jacques Bichot , université Lyon III, le régime de 1940 ne revalorisa pas les prestations parallèlement à la hausse des prix, d’une part en raison de l’appauvrissement du pays, d’autre part en raison d’oppositions germaniques. Il ne bouleversera pas l’organisation du système, et se contentera de la création d’une Chambre syndicale d’allocation familiale, loi du 14 août 1943 , première structure de coordination nationale des caisses d’allocations familiales. Elle n’a cependant pas le rôle de chambre de compensation qu’aura la Caisse nationale des allocations familiales créée en 1967. Ce système est intégré dans la Sécurité sociale en 1945.
La suite 43 sera l’ordre nouveau du retour à la terre.
a suivre…