les cercles Pétain dans les camps de prisonniers
Des « cercles Pétain » sont créés dans les camps de prisonniers par la « Mission Scapini », qui gère pour la France les prisonniers de guerre. Ces cercles diffusent des journaux, organisent des causeries et des conférences. Une exposition intitulée « L’âme des camps » est organisée à Paris, avec pour objectif de montrer aux Français que, durant leur captivité, les prisonniers continuent à être actifs en mettant à profit cette parenthèse dans leur vie pour élever leur esprit.
Une autre exposition est organisée par le Gouvernement provisoire de la République française, intitulée « Le Front des barbelés ». Elle vise à changer l’image que donnait la précédente des prisonniers de guerre, en les montrant comme des hommes ayant cherché à s’évader ou ayant résisté dans les camps. Il s’agit de réintégrer au plus vite les prisonniers de guerre dans une nation qui s’est déjà identifiée à la Résistance. « L’image de prisonniers-résistants n’est qu’une construction. Elle est indispensable pour que le pays puisse laisser la guerre derrière lui et accueillir ce million et demi de Français nécessaire pour la reconstruction. »
arrivés à l’oflag, encore privés de tout contact avec la France, que la radio allemande nous abreuva de ses émissions
Il y aura donc des « journées Pétain » ; des loteries de camps, dont la première tranche s’appellera « tranche Maréchal Pétain » ; des phrases du Maréchal dans certaines baraques et, parmi toutes les phrases reproduites, la plus souvent citée est sans doute celle qui ouvre sur l’espérance : « Prisonniers, mes amis, c’est sur vous que je compte pour être l’aile marchante du grand mouvement de redressement national, le véritable ciment de cette unité française que j’ai le devoir de maintenir. » Il y aura des messages lus, non seulement officiellement devant tous les captifs assemblés, mais encore commentés, au milieu d’auditoires généralement sympathisants, par des propagandistes bénévoles ou — cela arrive — par des hommes qui espèrent se faire « bien voir » et accélérer leur rapatriement ; des envois conformistes ou touchants, cannes sculptées, adresses de confiance enfermées dans un bâton aux sept étoiles, poèmes enluminés, maquettes de navires ou d’avions qui ont, dans les salons de Vichy où sont rassemblées les « offrandes », la place d’honneur ; et cette montre, toute simple, cadeau des prisonniers du Doubs, que Philippe Pétain conservera avec lui jusqu’à la mort ; des fêtes de charité organisées à l’intérieur du camp, pour le Secours national, les captifs dépouillés se dépouillant à l’intention des pauvres de France.
La propagande éclate partout.
Pour les uns, les Cercles Pétain constituent la meilleure manière d’aider et de soutenir le Maréchal mal entouré, soumis aux pressions allemandes. D’autres vont beaucoup plus loin. Le général Didelet qui arrive au camp de Stablack, en Prusse-Orientale, où 3 500 aspirants prisonniers ont finalement été regroupés, leur dit, le 14 août 1941 : « Ce que l’on a fait, ici, pour la première fois, c’est d’affecter un général et des officiers à un camp de prisonniers pour permettre à un chef d’État d’exercer une action sur des hommes en captivité ; ce qui se fait aussi pour la première fois, c’est que le gouvernement français charge un général d’une action politique ; j’entends, bien entendu, ce mot « politique » dans son sens noble… C’est d’un coeur ardent que, dans toutes vos pensées et dans tous les détails de votre action journalière, vous devez suivre le chef de l’État. Il ne suffit pas seulement de crier « Vive Pétain », il faut vouloir ce qu’il veut et il faut se pénétrer de sa doctrine. » Mais il ajoute, après ces banalités d’usage : « C’est la première fois de l’Histoire européenne qu’un État français, dégagé, selon le mot de son chef, des amitiés et des inimitiés anciennes, c’est-à-dire dégagé du passé, négocie avec une Allemagne nationale-socialiste dont la conception du monde est quelque chose d’entièrement nouveau… Notez qu’en des temps antérieurs un vainqueur eût aimé voir la désunion et le désordre s’installer chez le vaincu… Aujourd’hui, rien de tel, l’Allemagne semble ne rien tant désirer que de nous voir tous groupés derrière Pétain . »
A Stablack, les choses sont poussées si loin que, chaque jour, a lieu, dans toutes les baraques, « le quart d’heure Pétain » au cours duquel un aspirant explique à ses camarades les idées directrices de la Révolution nationale. A l’aide des textes officiels arrivés de France, les aspirants résument ainsi la doctrine sur laquelle vivra désormais la France nouvelle : Reconnaissance de la primauté de la famille, de le hiérarchie, de l’agriculture… et de la race.
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En 1944, le retournement est donc radical : le cercle Pétain est tombé en pleine léthargie, vestige d’un temps révolu. Les prisonniers sont redevenus de vrais soldats vivant au rythme des victoires alliées. C’est dans ces circonstances que le 14 juillet 1944 donne lieu à une manifestation patriotique dans le camp.
Le 24 août, à l’occasion de l’appel, soldats et officiers se rassemblent en grande tenue et au garde-à-vous dans un silence étourdissant, pour célébrer la libération de Paris.
A SUIVRE….