les Jeunesses Patriotes

les Jeunesses Patriotes

Les Jeunesses patriotes ont été créées en 1924 par le député bonapartiste Pierre Taittinger dans le cadre de la vieille Ligue des patriotes dont elles se détachent en 1926.

1924 est une grande année d’agitation des ligues nationalistes en France en réaction à la victoire électorale du Cartel des gauches mais aussi de l’ensemble des forces de droite comme en témoigne la fondation de la Ligue républicaine nationale par Alexandre Millerand. Les JP ont peu de profondeur idéologique (ils veulent un régime fort plutôt que vraiment fasciste) mais jouent un rôle important dans l’histoire de l’extrême droite française.

Tout d’abord, de très nombreux responsables de l’extrême droite des années 1930-1940 passent, au moins un temps, dans ses rangs. Ensuite, copiant les escouades du fascisme italien, les JP joue le rôle de service d’ordre pour les autres partis « nationaux », notamment pour les meetings de candidats de la Fédération républicaine.

Ils participent également à des actions violentes contre les communistes, et en février 1925, lors d’une manifestation anticolonialiste organisée par les communistes, des incidents éclatent dans la rue Damrémont entre les manifestants et des adhérents des Jeunesses patriotes venus la perturber. Ces incidents font quatre morts dans les rangs des Jeunesses patriotes. Ainsi, les JP assurent la passerelle entre une partie des droites républicaines et parlementaires et les mouvements ligueurs, l’Action française ou la « nébuleuse fascistoïde ».

On lui prête 65 000 membres en 1926.

Avec le retour de la droite au pouvoir dans les années 1926-1932, Pierre Taittinger décide, contre l’avis d’une partie de sa base, de mettre son action entre parenthèses.

Cette tactique a un avantage pour lui : les Jeunesses Patriotes se fondent dans le paysage politique et survivent ainsi discrètement jusqu’en 1932.

Puis leur activité est relancée par la victoire électorale du Bloc des gauches en 1932. Les JP participent aux manifestations de rue en 1933 et 1934 et à l’agitation ligueuse.

Elle atteint un maximum de 100 000 membres en 1934.

Suite au 6 février 1934, elle créée avec Solidarité française le Front national qui se veut une organisation de rassemblement des ligues au niveau de la propagande et de l’action.

Les JP sont dissoutes en décembre 1935 avec les autres ligues nationalistes. De nombreux membres la quittent alors : Henri de Kerillis, Charles Trochu, Georges Scapini, Philippe Henriot, etc.

Un groupe homonyme verra le jour au Canada français en novembre 1935. Menées par Walter O’Leary et, dans une moindre mesure par son frère Dostaler, ces Jeunesses Patriotes souhaitent la création d’un État indépendant irrigué par un corporatisme d’inspiration mussolinienne.

Face à la croissance rapide du mouvement La Rocque, Taittinger hésiteentre plusieurs solutions. Son projet principal est avant tout de transfor-
mer sa ligue en parti et de consacrer ses efforts à la conquête d’une majo-rité de droite à la Chambre, ce qui suppose de la désarmer et de dissoudre
ses unités paramilitaires.
Il est las de son bras de fer permanent avec sesultras.
Pour lui, le temps des ligues est fini.
À ses yeux, il existe bien deux genres de politiques : la première est celle qu’il mène hors de la Chambre à la tête de sa ligue, la seconde, la vraie, commence dans les couloirs et se déroule principalement dans les commissions.
Parlementaire dans l’âme,volontiers affable avec ses adversaires politiques, Taittinger n’est pas un homme de guerre civile, mais il se trouve placé à la tête d’une ligue qui tient sous l’égide du Front national un rôle de premier rang dans le drôle d’affrontement de l’après 6 février.
Ce projet échoue quand La Rocque lui coupe, une fois de plus, l’herbe sous les pieds en proposant, avant lui, à Pierre Laval de dissoudre toutes les formations armées des ligues et en tendant la main à ses adversaires alors qu’il s’apprêtait lui-même à prôner devant la Chambre la réconciliation nationale et le désarmement des ligues et des partis. Le Front national, autre fer au feu de Taittinger contre La Rocque, conçu dès l’origine avecle concours de l’Action française pour étouffer La Rocque en l’embrassant publiquement tandis qu’on le délesterait de ses troupes, est tout autant en échec.
Rapidement limité à un rôle de comité de coordination des nationalistes en tous genres non ralliés aux Croix-de-Feu, dépourvu de structures communes, il n’apporte aucun avantage décisif à Taittinger dans un rapport de forces qui, dès le début de 1935 lui est devenu défavorable.
Taittinger a bien imaginé à l’automne 1935 une solution alternative : serallier à La Rocque pour mieux protéger les actifs parlementaires des nationalistes. Pour cela, il lui a proposé l’absorption par le mouvement Croix-de-Feu des organisations appartenant au Front national en même temps que son retrait de toute position dirigeante dans l’organisation issue de cette fusion. Le rejet brutal de cette proposition par le chef des Croix-de-feu ne laisse guère aux Jeunesses patriotes qu’un seul choix, celui de rejoindre La Rocque sans conditions ou de le combattre.

Les fidèles aux JP se transforment en Parti national et social, puis en Parti républicain national et social (PRNS).

Ce parti participe au Front de la liberté lancée en mai 1937 à l’initiative de Jacques Doriot et de son Parti populaire français qui est une tentative de rapprochement des partis « nationaux », à laquelle souscrit la Fédération républicaine.

Localement, ses militants œuvrent dans des rassemblements régionaux, comme le Rassemblement national lorrain en Lorraine.

revanche sur le Front populaire qui leur permettra de refaire une « union nationale » assainie puisque les radicaux sont maintenant sortis des illusions du cartellisme, et ceux qui n’attendent plus rien du régime.

La Libération : changements et continuités

Que reste-t-il de ce défunt parti nationaliste à la Libération ? Sans aucun doute le sabordage de juin 1940 a bien marqué l’acte de décès non seulement d’organisations politiques qui n’auront pas de descendance, mais sur-tout la fin du vieux nationalisme ligueur, tel qu’il avait évolué depuis la fin du XIXesiècle. C’est un premier changement considérable que la rupture des liens de la droite modérée avec la droite extrême et le retour à laRépublique de l’ancienne famille des nationalistes plébiscitaires.

Désormais entre la droite et l’extrême droite, il y a Vichy, l’occupation et la déportation des juifs.

La droite modérée s’est libérée de la tentation totalitaire et de l’antisémitisme.

L’épuration entraîne aussi la mise à l’écart de toute une génération, celle qui formée aux Jeunesses patriotes s’est laissé prendre au piège de la collaboration, et n’a pas su, pas pu ou n’a pas voulu sortir du piège de Vichy et de l’attentisme pour rejoindre la Résistance ou la France libre.

L’Occupation a confirmé l’éclatement de ce courant à peu près sur les mêmes lignes de fracture qui existaient avant la guerre. Les nationalistes se sont dispersés dans toutes les attitudes. Nombreux sont ceux qui ont opté pour Vichy, au moins jusqu’au retour de Laval. On en trouve peu chez les gaullistes, du moins en ce qui concerne les dirigeants locaux, et pas un seul parmi les dirigeants nationaux. Un bloc minoritaire que l’on peut appeler « républicain national » a suivi Marin et Henri de Kerillis dans leur refus de Vichy et de la Collaboration.

Ce sont principalement, mais pas uniquement, des hommes qui ont quitté Taittinger pour La Rocque vers le milieu des années trente. Restés fondamentalement anti-allemands et réfractaires à toute version française du fascisme, ces anciens JP entrés dans la Résistance comme André Mutter, Georges Riond, Robert Montillot ou André Jarrosson deviendront après la Libération les ferments actifs de la renaissance d’une droite républicaine, libérale et indépendante, rajeunie et débarrassée des vertiges de l’extrémisme.La tentation fasciste disparaît naturellement avec la défaite des régimes fascistes et l’opprobre qui frappe ceux qui les ont soutenus.

L’épuration concerne non seulement des hommes  elle frappe toute une génération d’élus, de cadres et de militants politiques qui auraient pu pendant encore bien des années participer à la vie publique , mais surtout elle libère la droite nationaliste du poids des déviations qu’elle a connues depuis le boulangisme. En d’autres termes, la guerre a permis de réaliser ce qui émergeait dès 1938 : la fin d’un nationalisme fermé, d’un nationalisme de guerre civile, en rupture avec la République et son remplacement par un nouveau nationalisme, ouvert, tourné vers une République qu’il veut doter d’un exécutif fort, une République réconciliée avec le peuple.

C’est là, sans doute La crise du parti nationaliste à la fin des années trente aussi un second changement important apporté par la Libération que le début d’une clarification des rapports entre la droite modérée et la droite plébiscitaire. La première fournit la preuve de la solidité de son enracine-ment : sévèrement touchée au sommet par l’inéligibilité d’un bon nombre de ses anciens parlementaires, elle reste solide à la base où les maires inquiétés par les Comités de libération retrouvent souvent leur siège.

Il reste tout de même que l’on retrouve à la sortie de la guerre la division pérenne entre les droites plébiscitaires et les « modérés », avec pournovation l’émergence d’un courant démocrate chrétien fort, détaché des modérés ou plus exactement accolé aux modérés. Si, à la base, les anciens JP penchent certainement plus pour le gaullisme que pour le MRP ou les partis modérés, les cadres et les anciens élus vont plus facilement et presque exclusivement chez les modérés et l’on retrouve dans la démocratie chrétienne beaucoup d’anciens phalangistes qui s’étaient engagés en même temps dans les associations de jeunesse catholiques et chez les nationalistes. À tout prendre, les circonstances permettront ainsi à la droite de rajeunir ses cadres et de s’ouvrir à une nouvelle génération dont les références se trouvent bien plus dans les combats des dernières années que dans ceux de l’avant-guerre.

La rupture est aussi celle d’une génération.Enfin, la Libération, par la clarification qu’elle apporte, permet la pour-suite du rapprochement entre les droites et les radicaux commencé dansles dernières années de la IIIe République.

C’est en définitive dans les rapports entre d’un côté le bloc que semblent pouvoir former les modérés,es indépendants, les démocrates-chrétiens et les radicaux, et, d’autre part,le nouveau courant républicain et plébiscitaire qui se rassemble autour du général de Gaulle, que l’on retrouve à la Libération la même problématique que celle des dernières années de la IIIe République : s’allier ou se combattre.

a suivre…

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