Tout commence par une visite à la salle des ventes, le vendredi 17 janvier 2014..

Vieux papiers, journaux ,et cartons de livres, entre autres sont parmi les lots en vente, le lendemain. Un ensemble attire mon attention, un carton de lettres, principalement des affranchissements par des gandons, avec au dessus du tas, une lettre datée de 1944, avec censure provenant des états unis, et à destination de la France avec quelques petits détours.
Jusque la, rien d’extraordinaire, sinon, qu’au dos de cette lettre, une marque manuscrite « marine corse section assaut », curieux…Curieux….
Rentré chez moi, recherche sur internet, et début d’explication, mais qui était cet homme et surtout quel a été son parcours durant les hostilités des années 40. La vente, ayant lieu , le lendemain, il fallait , absolument que j’en devienne l’acquéreur, ma curiosité étant trop forte….

Samedi 14 h00. Nous y voila, la vente commence, timbres, monnaies, et ce fameux carton, assez conséquent d’ailleurs (+ de 600 lettres) entre en scène. Surprise, personne n’est intéressé, et j’en deviens l’heureux, très heureux acquéreur pour une somme très modique.
Dès mon retour à la maison, je commence à trier ces lettres, et surprise, il y en a plusieurs , avec comme destinataire :

Henri GUILCHER matelot gabier

henri-guilcher

Henri Guilcher Matelot Gabier

Henri est né le 25 Juin 1921 à Île-de-Sein (Finistère)

Son père Joseph Guilcher était marin-pêcheur, époux de Marie-Anne Milliner. Le couple avait six enfants. Après quelques années sur les bancs de l’école, Henri épouse tout naturellement le métier de son père et devient lui aussi marin-pêcheur.

Suite à l’appel du Général de Gaulle, il fait partie des premiers marins à quitter l’Ile de Sein pour le rejoindre à Londres. Il n’a que 19 ans !

(Dossier témoignage du télégramme pour les 70 ans de l’appel du 18 Juin 1940)

Henri intègre les Forces Françaises Libres à partir du 1er juillet 1940.
Le Général De Gaulle, au vu de l’arrivée massive de ces Sénans qui a eux seuls constituaient une grande majorité des hommes valides de 14 à 50 ans, affirmera avec déférence le 3 juillet 1940 à l’Empire Hall de Londres, où tout ce monde était rassemblé: « «L’île de Sein est donc le quart de la France » »
Ils étaient 133  Sénans ce jour la à avoir choisi de se battre pour la liberté, pour notre liberté…

Henri Guilcher embarquera, par la suite,  successivement à bord des bâtiments suivants :

  1. le cuirassé « Courbet« ( Opération Corncob)
  2. les sous-marins « Surcouf » et  « Minerve« 
  3. l’arraisonneur-dragueur « Président Théodore Tissier« 

Il fait parti du contingent français incorporé à l’armée américaine.

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Henri Guilcher French Contingent

 

Puis de l’aéronavale FNFL aux États-Unis.

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Henri Guilcher French Patrol Squadron

 

Il rejoint le groupe naval d’assaut à l’unité marine Ajaccio le 15 juillet 1944,  avec lequel il participe au débarquement en Provence. Opération Anvil / Dragon.

henri-guilcher-corsica

Henri Guilcher Corsica

 

Il décède lors du débarquement en Provence sur la côte française au cap de l’Esquillon, entre le Trayas et Théoule dans la nuit du 15 août 1944.

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Lettre en provenance des Etats Unis, passage par Casablanca puis la Corse, inscription manuscrite « décédé » en bas à gauche , retour à l’expéditeur avec taxe, finalement raturée censure us et française

historique de cette nuit, préparation du débarquement en Provence

Groupe Naval d’Assaut (Force Rosie) Un groupe de 67 fusiliers marins du capitaine de frégate Seriot à l’assaut de la pointe de l’Esquillon Le 15 Août 1944 : 02 H 00 ( du matin ) , heure H moins 06 H 00 . Le Groupe d’ Assaut Naval de CORSE fut créé en CORSE par le contre – Amiral Robert BATTET en 1943. Spécialisé dans la mise en oeuvre de canots pneumatiques, il réalise des missions de renseignements sur les côtes italiennes. Le 15 août 1944, il est chargé de l’opération « Rosie Force » entre le Trayas et Théoule.

Échec sanglant

Sous le Commandement du Capitaine de Corvette Gérard MARCHE, ces hommes, tous volontaires, étaient au nombre de soixante-sept. Tous venaient sans exception d’unités régulières de la Marine et s’apprêtaient à accomplir une besogne de sapeurs et d’ infanterie.

On les avait choisis avec soin pour accomplir une des toutes premières missions de couverture du débarquement.
Une des plus périlleuses de l’Opération  » DRAGOON « . A la rame, tassés dans leurs embarcations en caoutchouc ( RUBBER BOATS ), les Marins Français du Groupe Naval d’ Assaut de Corse avançaient en silence vers la côte.
Après avoir abordé aux rochers entre la pointe de l’ ESQUILLON, à MIRAMAR, et celle de la FIGUERETTE, partagés en deux groupes, ces marins commandos doivent escalader les roches rouges, ils devront se frayer un passage au travers des défenses Allemandes, gagner la Corniche d’ Or ( Route Nationale 98 ) juste au-dessus de leur tête et la Route Nationale 7, celle-ci distante de plus de 5 Kilomètres.

Ces deux routes sont vitales : les renforts Allemands ne doivent pas gagner SAINT – RAPHAËL, ni FREJUS, où la 36ème Division d’ Infanterie Américaine du Général DALHQUIST sera mise à terre dans quelques heures. Il faudra faire sauter ces routes, chacun des Marins du Commando porte, outre son armement individuel ( mitraillette anglaise Tommyguns et leurs munitions de réserve ) et une trentaine de kilos d’ explosifs ( mélinite).

Comme tout le groupe d’ Assaut, le Capitaine de Corvette Gérard MARCHE est surpris par le passage d’ un avion de reconnaissance volant à basse altitude. Deux fusées éclairantes sont tirées, d’ abord une rouge, puis une blanche, qui illuminent successivement mais brièvement la surface de l’eau. Puis plus rien, que la nuit et le silence. L’heure tourne, le Capitaine de Corvette MARCHE se décide à aborder : au large, des milliers de soldats comptent sur la réussite de la mission. Au lieu de cela, ce sera le plus sanglant échec du débarquement débutant.

En effet, à peine les Marins ont-ils entamé leur ascension que les premières mines explosent. Les déflagrations déchirent l’obscurité et les corps. Grièvement blessés ou tués sur le coup, hommes et officiers sont cloués sur le sol, les équipes totalement désorganisées. En quelques minutes, le Groupe d’Assaut est décimé. Empêtrés dans les fils de mines, les marins du commando sont incapables de la moindre défense contre les mines, les soldats Allemands, dont ils savent la présence proche, ne réagissent toujours pas .

Malgré tout, quelques Marins tentent de continuer leur progression, mortelle pour beaucoup d’entre eux. Plus de la moitié des membres du Groupe d’Assaut est désormais hors de combat. Le Capitaine de Corvette MARCHE sera l’un des derniers à sauter sur une mine, avant de mourir. Il parviendra à faire détruire les documents  » papiers et cartes  » dont il était le porteur. Rien n’ allait être épargné aux marins, survivants du désastre : leur ultime tentative de fuite par la mer allait échouer par la faute de deux chasseurs britanniques qui, trompés par l’ obscurité et les prenant pour des Allemands, les mitrailleront abondamment .

Alors seulement, les Allemands tireront sur les rares rescapés qui n’auront de ressource que de se rendre. 19 marins sur 24 auront la chance, dans la journée du 15 Août, amenés en captivité à Grasse par un convoi allemand, ils seront sauvés par 6 résistants qui occuperont les allemands en quelques coups de feu pour faire évader les prisonniers, seulement un résistant sera blessé.

Les blessés graves du Groupe Naval d’assaut ont étés laissés sur la route de Miramar jusqu’à ce qu’une unitée médicale américaine de la 36th DIUS débarqué au Dramont arrivent pour les secourir. 11 marins furent tués par les mines déposés par les allemands 2 jours plus tôt…

Par la suite, on confie au Groupe Naval d’assaut des missions de protection dans les ports du Languedoc. En septembre 1944, le groupe assaut Corse est dissous enCorse.

Extrait du livre de Georges Fleury: Fusiliers-marins et Commandos, les baroudeurs de la royale aux éditions Copernic (octobre 80)

La grande croix de lorraine, Monument aux tués du Groupe Naval d’Assaut à l’Esquillon

Au bord de route de  MIRAMAR , Route Nationale 98 à quelques mètres du lieu où les marins perdirent la vie cette pierre blanche rappelle ce fait d’armes avec les noms gravés des marins qui ont perdu la vie cette nuit sur le sol français qu’ils avaient tant attendu de retrouver …

plaque-liste-morts-miramar

Plaque commémorative aux morts de Miramar

 

Capitaine de corvette Gérard Marche

EV Pierre Servel
Sergent chef Marius Arzallier
SM Pierre Fichefeux
SM Albert Corlou
QM René Cacaud
Jacques Guidoni Matelot

Henri Braconnier Matelot
Pierre Dourous Matelot
Henri Guilcher Matelot
Georges Micmot matelot

Que la mémoire de leur sacrifice perdure…

4 réflexions au sujet de « Henri GUILCHER matelot gabier »

  1. Je mène des recherches sur ce Groupe, et serais très intéressé par toute information supplémentaire sur ce matelot.
    Pourriez vous prendre contact avec moi? Merci.

  2. Bonjour monsieur,
    Je suis très intéressée par ce groupe car mon oncle CORLOU Albert en faisait partie.
    Je suis allée à Théoule sur Mer (06) ou il y a une croix de Lorraine avec une plaque avec les noms de ceux qui ont laissé leur vie pour nous.
    Si vous avez des renseignements complémentaires je serais très intéressée.
    C’est en faisant ma généalogie que j’ai trouvé l’histoire de ce groupe
    Cordialement

    • Bonsoir,

      J’ai fait des recherches sur les tués du GNA le 15 août 44. J’ai contacté des membres de la famille Corlou en Bretagne. Je serais très heureux de pouvoir vous contacter pour évoquer l’histoire de votre oncle. Vous pouvez me contacter au 06 11 29 40 14. Cordialement Benoît (Toulon).

  3. Bonjour,
    Je suis à la recherche de documents qui concernent ce débarquement, notamment la liste des hommes qui constituaient ce groupe naval d’assaut.
    Cordialement,

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